upl.ci : Abidjan le 05 juin 2019 / Ceci est une lettre ouverte de Ablassé Ouédraogo au Président du Faso Roch Marc Christian Kaboré.
Excellence Monsieur le Président du Faso
C'est un secret de polichinelle que de dire que le Burkina Faso va très mal et il n'y a aucune perspective de redressement à l'horizon. Comme nous vous l'avions déjà dit dans notre lettre ouverte qui vous a été adressée le 25 juillet 2016, soit six (6) mois après votre prise de fonction, tous les voyants sont passés aujourd'hui du rouge vif au rouge vif clignotant et votre gouvernance hasardeuse et à tâtons est certainement la cause de cette descente aux enfers du Burkina Faso et des Burkinabè depuis que Votre Excellence et le régime MPP sont aux affaires. Nous illustrons nos propos, à travers entre autres, ce qui suit :
Au cours de votre visite d'amitié et de travail du 9 au 11 avril 2019 en Turquie, vous avez déclaré et je cite : « Ceux qui s'en prennent à la Turquie, s'en prennent au Burkina Faso et réciproquement ». Clairement, une telle déclaration ne peut qu'élargir la liste des ennemis du Burkina Faso à travers le monde ;
Le 23 avril 2019, le Journal « Africa Intelligence » a titré dans un article : « Exclusif Burkina Faso : Roch revient sur ses propos, emboîte les pas de Blaise COMPAORE et négocie avec les combattants Djihadistes », en faisant mention des nombreux contacts, des entretiens et des négociations que vous auriez eus à Dakar et à Ouagadougou avec leurs premiers responsables.
Au lieu de traduire en justice ce journal bien connu pour la qualité et la fiabilité de ses informations, d'ailleurs, Intelligence ne veut-il pas dire espionnage, vous avez préféré porté un démenti le 25 avril 2019 par le Porte-Parole du Gouvernement, à travers un Communiqué disant que Le Président Roch KABORE n'a jamais envisagé de négocier avec un quelconque groupe terroriste, en demandant d'éviter de tomber dans l'agitation et l'effet de manipulations ;
Le 5 février 2019, vous avez accepté d'assumer la Présidence en exercice de la Conférence des Chefs d'Etat du G5 SAHEL pour l'année 2019. Cette responsabilité prestigieuse au niveau régional n'est certainement pas faite pour rassurer les ennemis de notre pays et les risques encourus sont beaucoup plus importants que les bénéfices que le Burkina Faso pourrait tirer de la gestion de cette lourde charge.
De vos actes et déclarations ci-dessus mentionnés, l'on est en droit de se demander s'il n'y a pas une relation de cause à effet entre ce qui précède avec la tourmente terroriste dans laquelle le Burkina Faso est installé depuis le 26 avril 2019. Les actes terroristes ont connu une subite recrudescence depuis cette date, comme le montre la liste ci-dessous qui ne saurait être exhaustive sur la période d'un mois, soit du 26 avril au 26 mai 2019:
Cette longue liste d'actes meurtriers terroristes, couvrant seulement la période du 26 avril 2019 au 26 mai 2019, témoigne à suffisance que :
Le terrorisme et la mort sont banalisés au Burkina Faso et il faut accepter de vivre avec maintenant.
Trop de sang a coulé et continue de couler et beaucoup de morts ont été enregistrés, et de 2016 à nos jours, soit trois ans correspondant à votre présidence, le Burkina Faso a connu plus de morts de par le fait du terrorisme que sur la période de 1960 à 2015. Clairement, la poisse tenaille notre pays et toute personne bien sensée et réfléchie ne peut réfuter le fait que nos ancêtres sont mécontents et insatisfaits de cette situation désolante que les Burkinabè ne méritent pas de subir.Le serment que vous avez prononcé le 29 décembre 2015 lors de votre investiture de protéger l'intégrité du territoire et les Burkinabè a été largement trahi.La dégradation de la situation sécuritaire est telle que le Burkina Faso est devenu aujourd'hui le maillon faible et le ventre mou dans la région du Sahel dans la lutte contre le terrorisme, le grand banditisme et le trafic en tout genre. Les populations vivent dans la peur et dans les angoisses permanentes et c'est la débandade. A la date du lundi 6 mai 2019, le Bureau des Nations Unies pour les Affaires Humanitaires (OCHA) a enregistré 161.217 personnes déplacées Internes (PDI), soit une augmentation de 9 pour cent par rapport à la date du mercredi 24 avril 2019. Ces mouvements affectent cinq régions (le Centre, le Centre Nord, l'Est, le Nord et le Sahel), 11 Provinces et 43 Communes. Dans la seule province du Soum, 17.000 personnes ont dû être déplacées.
Le 17 mai 2019, le ministre Stanislas OUARO du MENAPLN a indiqué que
1.933 écoles et établissements du post-primaire et du secondaire ont été fermés en raison des menaces terroristes mettant dans la rue 326.152 élèves et affectant 9.042 enseignants. L'avenir de notre pays est compromis de jour en jour.
La gestion de toutes ces personnes déplacées à l'approche de la saison des pluies doit être une préoccupation de premier ordre afin de leur assurer le minimum alimentaire et sanitaire nécessaire. Dans les drames de Yirgou, Arbinda, Kain et Bahn, les Burkinabè attendent toujours que justice soit rendue pour permettre le retour de la sérénité et des conditions du vivre ensemble.
Cette situation d'insécurité jamais vécue au Burkina Faso a plongé le pays dans une morosité exacerbée par le bouillonnement observé sur le front social. Les travailleurs de tous les secteurs d'activités et surtout des secteurs sensibles comme la santé et l'enseignement sont dans des grèves de revendications pour améliorer leurs conditions de vie.La désarticulation de l'économie est une réalité indiscutable caractérisée par une baisse drastique du volume des investissements. Le Burkina Faso est devenu un pays dangereux et à risques croissants, si bien que les partenaires et les investisseurs sont devenus très prudents dans leurs initiatives et peu incités à entreprendre dans notre pays. Il n'y a pas suffisamment d'investissements pour accompagner les besoins de développement de notre pays.L'autorité de l'Etat s'est effondrée et tout est pire qu'avant l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. L'incivisme et l'anarchie se généralisent dans les comportements du citoyen. L'institution « Présidence du Faso » est devenue l'ombre d'elle-même et ressemble beaucoup plus à une mine d'or exploitée artisanalement par des orpailleurs dont la gourmandise et la cupidité expliquent aisément la perte de crédibilité du Sommet.Le constat de votre échec est indiscutable. La solution, la réponse que vous prétendiez être s'est convertie en véritable problème pour le Burkina Faso dans l'exercice de vos fonctions. Mais, il n'y a pas de honte à échouer. La honte, c'est la persistance dans l'échec.Le Burkina Faso vit dans la haine et la division, si bien que les conflits inter-composantes détruisent la société burkinabè et surtout le vivre-ensemble et la cohésion sociale.La résultante est que le mécontentement généralisé et les complaintes des populations prennent graduellement de l'ampleur. Le Burkina Faso va très mal et personne n'est sûr de quoi sera fait le lendemain.
De ce tableau peu reluisant et surtout sombre qui précède, trois options se présentent à vous et le choix que vous ferez déterminera le destin du Burkina Faso, notre destin commun :
Connaissant votre patriotisme et votre amour pour notre pays, je suis certain que vous saurez faire le bon choix pour que le Burkina Faso soit à l'abri de la douleur et de la souffrance et ainsi pouvoir continuer sur la voie d'un véritable développement durable dans la stabilité, la paix sociale, la sécurité, la confiance et le vivre ensemble retrouvé.
Veuillez agréer Excellence Monsieur le Président du Faso, l'assurance de ma très haute et respectueuse considération.
En ce mois béni du Ramadan, que Dieu protège le Burkina Faso.
Le Président
Dr.Ablassé OUEDRAOGO
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